« Rouen, c’est la ville de France qui compte le plus de bars par habitants. »

C’est avec cet argument que j’ai expliqué à mon copain pourquoi il allait aimer la ville. Il ne dit jamais non à une bière bien fraîche (ou deux, ou trois), et moi j’adore siroter un verre en terrasse et regarder les gens passer tout en sentant la douceur du soleil sur ma peau. Dans la ville où j’ai grandi, c’est l’activité préférée des jeunes (et des moins jeunes) dès qu’il fait beau.

S’asseoir en terrasse, c’est donc la première chose que nous avons faite en arrivant à Rouen.

Mais on aurait eu tort de ne profiter que de ses terrasses.

Parce qu’en plus de pouvoir se targuer d’être la ville avec le plus de bars par habitants en France (c’est vraiment vrai, je ne mentais pas !), Rouen a aussi un vieux centre magnifique, rempli d’histoire(s), de charme, de caractère et d’une ambiance qui respire le bon vivre.

Mais avant de vous emmener dans ses rues, j’aimerais vous transporter dans certaines pages de son histoire.

Rouen trouve ses origines dans l’époque gallo-romaine. C’était au 1er siècle après J.-C. À l’époque, elle s’appelait Rotomagos ou Ratomagos (vous pouvez choisir), voire encore Rotomagus si l’on préfère la version romaine à la gauloise (vous aussi ça vous fait penser aux albums d’Astérix tout ça ?). C’était la deuxième ville de Gaulle, derrière Lyon… ou Lugdunum, comme on l’appelait alors. Elle a d’ailleurs longtemps été la deuxième ville la plus peuplée du pays avant de s’essouffler et de se laisser dépasser par ses concurrentes, vers la fin du 17ème siècle.

Mais passons. Tout ça, c’était juste pour planter le décor.

Parce que comme beaucoup de vieilles villes, Rouen a été le théâtre de nombreuses aventures, bonnes et mauvaises. Son histoire la plus célèbre ne vous est certainement pas inconnue, bien que vous ayez peut-être oublié que c’est à Rouen qu’elle a eu lieu. Rouen est en effet intrinsèquement liée à l’histoire et au destin d’une héroïne que l’on connait tous : Jeanne d’Arc.

Plus particulièrement, Rouen a vu se dérouler la scène la plus tragique et la plus connue de son histoire : c’est à Rouen qu’elle a été brûlée vive.

Aujourd’hui, Jeanne d’Arc est sûrement l’une des figures les plus importantes de l’histoire de France, et son souvenir vit encore dans les rues de Rouen. Mais si, comme moi, vous ne savez pas grand-chose de plus de Jeanne d’Arc que la manière dont elle a quitté ce monde, voici deux petits paragraphes qui vous permettront de rapidement vous rafraîchir la mémoire…

Née de parents paysans au début du 15ème siècle, Jeanne d’Arc a vu le jour et vécu la majeure partie de sa courte vie dans un petit village près de Nancy. Rien ne la destinait à voir son nom gravé dans la pierre de l’histoire de France. Rien, si ce n’est peut-être une poignée de Saints qui avaient en tête un avenir tout autre pour elle. Ceux-ci seraient entrés en contact avec elle par la pensée lorsqu’elle avait 17 ans pour la charger d’une mission importante : libérer la France, qui était à l’époque occupée par les Anglais, et mener Charles VII sur le trône. C’est en tout cas ce qu’elle racontait.

Armée de cette vision divine, l’adolescente va d’exploits en exploits : elle rencontre Charles VII, mène les troupes françaises dans leur bataille contre les Anglais installés sur le territoire et permet à Charles VII de se faire sacrer roi (il s’était déjà autoproclamé roi à la mort de son père, Charles VI, alors que les combats faisaient rage mais ça c’est une autre histoire). Si l’histoire finit bien pour le nouveau roi et son pays, ce n’est pas le cas pour Jeanne d’Arc, qui finira quelques mois plus tard entre les mains de l’ennemi. Les Anglais la retiendront prisonnière à Rouen et la condamneront à être brûlée vive suite à un procès perdu d’avance. En 1431, à l’âge de 19 ans, elle s’envole définitivement entre les flammes.

Les flammes, ce n’est pas la seule fois qu’elles s’éleveront dans la ville jusqu’à marquer son histoire à l’indélébile…

C’est aussi par les flammes que la ville de Rouen est entrée dans 4 années d’horreur et de terreur durant la Seconde Guerre mondiale. Le 9 juin 1940, les Allemands rentrent avec fracas dans Rouen. Pendant une semaine, les combats prennent place au milieu des incendies, qui se déclarent dans tous les coins de la ville. Les soldats allemands interdisent l’accès aux pompiers, laissant les flammes faire rage sans que personne ne puisse vraiment les arrêter. Pendant une semaine. L’inimaginable, littéralement.

Jusqu’à la libération de la ville fin août 1944, les habitants de Rouen (ou en tout cas ceux qui n’avaient pas pris la fuite) verront leur ville se détruire petit à petit, au rythme des combats et des bombardements. Quatre ans après la semaine qui avait vu brûler la ville, une autre triste semaine vient s’ajouter aux décombres : la semaine rouge. Une semaine pendant laquelle des dizaines de bombes seront jetées sur la ville au quotidien, faisant des centaines de morts.

L’après-guerre sera une longue période de reconstruction. Mais fort heureusement (si l’on peut ainsi dire), si la ville a beaucoup souffert, elle n’a cependant pas entièrement péri. Aujourd’hui, bien que son centre historique soit petit, c’est un vrai trésor rempli de merveilles architecturales. Des édifices ayant été construits à des époques différentes, entre le 13ème et le 19ème siècle, et que l’on a la chance de pouvoir encore voir de nos propres yeux.

Ce qui caractérise Rouen, ce sont avant tout ses maisons à colombages (ou “à pans de bois”, selon l’appellation que vous préférez). Des maisons colorées aux façades irrégulières, qui s’appuient les unes sur les autres et fléchissent parfois sous le poids des années et des nombreuses vies qu’elles ont vu passer entre leurs murs. Des maisons qui n’ont que faire des lignes droites et qui tirent leur originalité et leur charme de ces grosses poutres en bois qui courent, se croisent et s’esquivent sur leurs façades. Des maisons qui paraissent parfois faire un joli numéro d’équilibriste, comme si elles étaient prêtes à s’effondrer à tout moment, et qui pourtant tiennent depuis des siècles.

Des maisons de caractère à la beauté presque brute, que je trouve personnellement tellement photogéniques… et dont je pourrais longtemps parler.

Construites principalement au Moyen Âge, ces maisons vous donneront sans aucun doute l’impression de vous promener dans la ville telle qu’elle était il y a de nombreux siècles. Un sentiment renforcé par les quelques façades de magasins à l’ancienne que l’on peut encore croiser ici et là, au détour des petites rues de la ville.

En me baladant entre ces maisons à colombages, il y a autre chose qui me marque, et j’ai du mal à mettre le doigt dessus. Ce n’est qu’après mon passage que je m’en rendrai vraiment compte : dans le centre-ville, rares sont les voitures qui viennent nous rappeler que nous sommes au 21ème siècle. Et pour cause, il est presque entièrement piéton.

Saviez-vous, d’ailleurs, que Rouen est la première ville de France à avoir rendu l’une de ses rues piétonnes ? C’était la rue du Gros-Horloge, en 1971. Aujourd’hui, le centre-ville compte pas moins de 8km de rues piétonnes.

C’est peut-être pour cet aspect hors du temps que j’aime tellement les vieilles rues de Rouen.

Mais ses maisons à colombages ne sont pas le seul trésor que vous pouvez y trouver. Dans le petit centre qui a survécu à la guerre, les maisons à colombages se mêlent à des bâtiments de la Renaissance, tels que le magnifique Gros Horloge, qui est peut-être l’édifice le plus connu de Rouen (et dont vous pouvez voir beaucoup de photos dans cet article parce que vraiment, je le trouve parfait), et le palais de justice. Des constructions au style bien différent, dont le contraste me fait doucement penser à la souris des villes et la souris des champs. Il y a, d’un côté, la précision dans le tracé des lignes et l’abondance de petits détails qui ont tous été planifiés soigneusement avant de prendre forme. Et puis il y a, de l’autre, les lignes grossièrement coupées et le faux déséquilibre. Il y a un style qui se moque de l’apesanteur, et l’autre qui la défie. Un combat entre la classe et le charme, deux styles architecturaux tous deux époustouflants qui n’ont rien à voir l’un avec l’autre, et qui pourtant se mêlent et s’apprivoisent.

Mon endroit préféré à Rouen, c’est peut-être la rue Damiette et ses alentours, remplie de jolis magasins d’antiquités où des objets insolites côtoient souvent les objets classiques d’antiquaires, dans un tourbillon de couleurs et de souvenirs et dans des décors bien moins poussiéreux que les magasins d’antiquités auxquelles je suis habituée. Dans ce petit ensemble de rues, que l’on appelle le “quartier des Antiquaires”, on trouve aussi des magasins que l’on croirait sortis du passé, et des petites boutiques de vêtements que l’on ne trouve que là-bas.

Et puis, partout dans la ville, il y a les terrasses, et les jolies places qui en sont remplies.

Je vous l’avais dit, Rouen est aussi parsemée du souvenir de Jeanne d’Arc. L’exemple le plus flagrant, c’est sûrement l’église qui porte son nom. Inaugurée en 1979, l’église Sainte-Jeanne-d’Arc s’élève, imperturbable, à côté des terrasses animées de la place du Vieux Marché, là où se trouvait le bûcher qui a vu mourir celle que l’on surnomme aussi parfois la “Pucelle d’Orléans”. Bâtie en l’honneur de l’héroïne de la ville, cette église ne ressemble à aucune autre : si certains disent qu’elle prend la forme d’un bateau viking ou d’un poisson, d’autres affirment qu’elle représente les flammes qui ont emporté Jeanne d’Arc. Que l’on aime ou pas, son aspect est des plus surprenants et mérite sans aucun doute le coup d’œil (d’autant plus qu’il paraîtrait que l’intérieur est magnifique).

Rouen est non seulement belle et intéressante, mais elle est aussi très agréable. Tout, chez elle, me donne l’impression que c’est une ville où l’on se sent bien, et c’est sans aucun doute ce sentiment que je garderai en pensant à nos quelques jours là-bas.

Nous sommes allés à Rouen fin avril, alors que le printemps s’installait et nous donnait enfin une vraie vision de l’été qui suivait ses pas. C’était le premier vrai beau week-end de l’année, et tout dans la ville respirait le soleil. Les arbres étaient en pleine floraison, offrant à tous les passants la beauté indéniable des fleurs aux couleurs vives sur fond de façades à colombages. Les terrasses étaient remplies de vie, cette même vie qui parcourait les rues du centre, montrant à tous les visiteurs à quel point Rouen doit être agréable en été.

Il suffisait, pourtant, de prendre quelques tournants peu communs pour se retrouver dans des rues où le paisible poids de la quiétude remplaçait le brouhaha des rires et des discussions. Là, on pouvait facilement s’arrêter pour contempler. Contempler les détails du bois et les couleurs des façades qui semblent toutes avoir été choisies avec soin pour former l’harmonie que l’on retrouve à Rouen. Admirer les façades de restaurants et de magasins, et suivre les pas lents des rares passants.

Nous avions loué un Airbnb avec une magnifique petite terrasse sur les toits de la ville, sur laquelle on se réfugiait au moins une fois par jour, souvent en fin d’après-midi, pour prendre l’apéro ou pour manger en profitant d’une vue que je trouvais majestueuse, et ça n’a fait qu’ajouter à mon sentiment de plénitude.

Il n’y a pas d’autre endroit où j’aurais préféré passer ce premier beau week-end de l’année.

Rouen fait partie de ces nombreuses villes qui sont trop souvent oubliées des Parisiens, voire des Français en général (j’en veux pour preuve les interrogatoires que l’on a reçus à l’annonce de notre voyage là-bas). Elle se trouve pourtant à moins de 2h en voiture de Paris. Assez pour que le stress se soit perdu quelque part en route.

De quoi laisser à Rouen l’opportunité d’accueillir les Parisiens tendus et angoissés dans une petite bulle où tout le monde a l’air de prendre le temps de profiter de la vie.

 

En un coup d’œil

Que faire à Rouen ?

En toute honnêteté, l’une des seules choses que j’ai faites à Rouen, c’est me promener dans les rues les yeux en l’air, en me laissant guider par mon intuition ou par les pas des personnes que j’accompagnais. C’est aussi ce que je vous recommande de faire, mais si vous voulez une liste plus structurée, voici déjà quelques idées pour commencer :

    • Aller jeter un œil dans les magasins d’antiquités du côté de la rue Damiette, et flâner dans le quartier des antiquaires
    • Se promener dans les rues entre la place du Vieux Marché, la cathédrale Notre-Dame de Rouen et l’église Saint-Maclou
    • Admirer le Gros-Horloge (un conseil si vous voulez le voir sans la foule : allez-y un matin avant que les magasins n’ouvrent)
    • Voir l’église Sainte-Jeanne-d’Arc, et rentrer à l’intérieur (je ne l’ai pas fait mais il est apparemment superbe)
    • Et, évidemment, prendre un verre en terrasse (si vous y allez quand il fait beau) ou dans l’un des nombreux bars de la ville

Et sur la longue liste des choses que je n’ai pas faites car j’étais trop occupée à profiter des terrasses de la ville mais que je garde en mémoire pour une première fois, il y a :

    • Monter en haut du Gros Horloge pour admirer la vue sur la ville et faire le plein d’informations sur l’horloge en tant que telle
    • Voir Rouen d’en haut depuis la colline Sainte-Catherine (ça vous donnera une vue éloignée sur la ville, mais ceux qui l’ont fait disent que ça vaut le coup)
    • Aller au musée Le Secq des Tournelles pour admirer plein de pièces de ferronnerie au milieu d’une… église
    • Faire un escape game dans le Donjon (aussi appelé Tour Jeanne d’Arc), qui n’est autre qu’une tour du château dans lequel a eu lieu le procès de Jeanne d’Arc
    • Visiter l’historial Jeanne d’Arc pour en apprendre plus sur l’héroïne intemporelle de la ville
    • Assister au spectacle son et lumière sur la façade de la cathédrale Notre-Dame, qui se tient tous les soirs entre juin et septembre

Combien de temps rester à Rouen ?

Le centre-ville de Rouen est si petit qu’il peut être vu en un jour, ce qui fait de Rouen une ville parfaite pour un week-end : vous pourrez alors vous balader tranquillement à la découverte du centre (et de ses boutiques), sans vous priver de faire une pause pour manger un bout ou boire un verre dès que l’envie vous prend.

Ceci dit, un long week-end ne serait pas de trop si vous voulez profiter des terrasses extensivement tout en visitant les musées de la ville.

 

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6 commentaires sur Rouen, ses terrasses et ses histoires sur fond de colombages

  1. Je complèterais ta rubrique “que faire à Rouen” en ajoutant : se balader sur les quais qui longent la Seine, rive droite, mais aussi rive gauche. Terrasses des bars et restaurants, chaises longues, vélo et même Rosalies ! Et pourquoi ne pas découvrir aussi le jardin des plantes dont les serres ont été rénovées 😉

    • Oh oui c’est vrai, nous avons été sur les quais mais juste un peu, ce qui n’était pas suffisant pour vraiment en profiter. Aussi, c’était en avril donc peut-être qu’il n’y avait pas autant d’animation qu’en été (bien qu’il faisait déjà super beau) ! Merci pour tes recommandations ! Je les garde en tête pour une prochaine fois parce que oui, j’espère vraiment y retourner :).

    • Héhé oui j’imagine que ça doit faire un peu bizarre ! Rouen est une ville aussi jolie qu’agréable, j’ai adoré nos quelques jours là-bas. Et oui, vraiment, il faut que j’y retourne pour visiter le musée de la ferronnerie (entre autres :)) !