Connaissez-vous l’histoire de Horymír et son cheval Šemík ?

C’était il y a bien longtemps. Horymír possédait quelques terres dans les environs de Prague, sur lesquelles il élevait du bétail. On raconte qu’il serait entré en conflit avec le prince Křesomysl, qui régnait alors sur la Bohême. Poussé par le désir de trouver des pierres précieuses et autres trésors cachés sous les terres de son royaume, ce dernier favorisait grandement le développement de l’industrie minière.

Horymír voyait cela d’un mauvais œil : selon lui, l’obsession du prince était telle que les gens délaissaient de plus en plus l’agriculture pour aller travailler dans les mines, et il craignait que de tout cela découle une famine.

Il essaya en vain de sensibiliser le prince, jusqu’au jour où des mineurs, fatigués par ses propos, incendièrent son domaine. Il ne fallut pas longtemps à Horymír pour leur rendre la pareille : avec un groupe d’alliés, il mit à son tour feu aux habitations des mineurs.

Ceux-ci se plaignirent au prince, qui convoqua Horymír à son château pour y être jugé. Ce château s’élevait au sommet d’un rocher surplombant les rives de la Vltava… et c’est ici que l’histoire prend un tournant inattendu. Un tournant tellement inattendu, d’ailleurs, que les Pragois la racontent à leurs enfants depuis des générations.

Horymír se présenta sur son beau cheval blanc Šemík. Un cheval blanc, oui, mais pas de princesse à l’horizon qui l’aurait rendu à la fois prince et charmant. Ce qui l’attendait était bien moins drôle : on le condamna à mort.

Avant d’être exécuté, il demanda à faire un dernier tour sur son cheval. Ses ennemis acquiescèrent, sans savoir qu’il voyait en ce dernier souhait son seul espoir de survivre. Emportant Horymír sur son dos, Šemík se mit à galoper vers la seule sortie possible : les remparts du château, derrière lesquels se trouvaient une falaise, le vide et, quelques dizaines de mètres plus bas, le fleuve de la Vltava.

Sous les yeux ébahis du public, l’homme et son cheval sautèrent au-dessus des remparts. En s’approchant du haut de la falaise pour jeter un œil au triste sort qui ne pouvait qu’avoir attendu le binôme, les spectateurs virent les deux comparses galoper sur l’autre rive de la rivière. Ensemble, par un miracle qui a fait d’eux une légende, ils avaient survécu à un saut qui devait pourtant être mortel.

Malheureusement, le saut avait tellement épuisé Šemík qu’il mourut d’épuisement quelques mètres plus tard. On dit qu’il est aujourd’hui enterré non loin du rocher duquel ils avaient sauté.

Ce rocher, c’est Vyšehrad. Et bien que l’histoire de Horymír a sans aucun doute été inventée pour et par les rêveurs, Vyšehrad est bien réel.

De nombreuses choses ont changé depuis l’époque de Horymír mais sur les cartes, ce lieu existe toujours.

Les deux tours de son église s’élèvent au-dessus de la ville et prennent discrètement leur place dans le paysage de Prague. Discrètement parce que, bien souvent, c’est l’un de ces endroits que les regards croisent mais qu’ils ne voient pas.

Obnubilés par le château et toutes les merveilles dont les guides sur Prague sont remplis, les touristes et les passants oublient souvent de se demander quelles sont ces deux tours tranquilles qui, bien qu’à l’écart du centre bouillonnant, peuvent souvent être aperçues de loin.

J’aurais d’ailleurs pu inclure Vyšehrad dans mon article sur les endroits à voir hors des sentiers battus à Prague, mais j’avais envie de lui consacrer un article entier.

Parce que, du haut de son rocher, Vyšehrad a de nombreuses histoires à raconter. Certains disent même que c’est là que se trouvent certaines des plus vieilles légendes du pays et des plus anciennes histoires de Prague. Je vous en raconte d’autres ?

Parmi les légendes les plus connues, il y a aussi l’histoire de la princesse Libuše, fille du comte Krok qui vivait dans le château de Vyšehrad et régnait sur les terres des alentours. Selon la légende, Libuše avait des pouvoirs de prémonition et ses visions se seraient plusieurs fois avérées vraies.

Choisie par son père pour régner sur son territoire, la princesse devait se marier. Elle eut alors la vision d’un beau paysan qui vivait non loin de là et demanda à ses conseillers d’aller le chercher, non sans leur en avoir donné une description précise. Ce paysan, c’était Přemysl Oráč. En se mariant à Libuše, il deviendra le premier prince de la dynastie des Přemyslides, qui régnera sur la Bohême pendant de nombreux siècles.

Mais ce n’est pas la seule prémonition qui berce les histoires dont la princesse est l’héroïne. On raconte aussi qu’alors que Prague n’existait pas encore, elle aurait eu une vision de sa grandeur en prédisant à la ville un destin aussi brillant que les étoiles. Sans sa prédiction, la ville n’aurait pas été fondée : c’est elle qui aurait dit où bâtir le château de Prague, autour duquel la ville finira par se développer, et c’est aussi elle qui lui aurait donné le nom de “Praha”.

D’autres légendes font plus froid dans le dos. Parmi elles, celle du fantôme d’un officier français qui aurait longtemps erré à Vyšehrad. Exécuté au 19ème siècle pour avoir déserté la guerre, son âme était emprisonnée quelque part dans le château de Vyšehrad. Son fantôme serait apparu devant plusieurs soldats, non pour les effrayer mais pour leur demander de le libérer afin de pouvoir rentrer en France. Malheureusement pour lui, il ne parlait que le français et faisait donc face à un problème aussi vieux que le monde et que l’on a tous connu au moins une fois : la barrière de la langue.

Mais outre ces légendes, transportées dans le présent par d’innombrables générations qui les ont répétées à qui voulait les entendre, de nombreuses personnes affirment que Vyšehrad porte aussi en lui l’histoire de la ville de Prague. Bien qu’il soit parfois difficile de distinguer le vrai du faux (ou du romancé), voici ce qui semble réellement avoir appartenu au passé de ce lieu un peu magique…

Alors que Vyšehrad est aujourd’hui un quartier de Prague, il a longtemps été une ville indépendante de celle qui n’était alors que sa voisine.

Tout a commencé au 10ème siècle, lorsqu’il a été décidé de bâtir un château sur ce promontoire dont une partie de la falaise plonge dans la Vltava. Vyšehrad, d’ailleurs, signifie “Château des hauteurs”.

Selon la légende de Libuše que je viens de vous conter, le château de Vyšehrad aurait été bâti avant celui que l’on connait aujourd’hui comme le château de Prague et serait donc la première construction de Prague. Mais c’est faux.

En réalité, il a été édifié plusieurs décennies plus tard. Il a toutefois réellement accueilli les rois de Bohême (la dynastie des Přemyslides), mais ils n’y sont pas restés longtemps : ils y auraient vécu pendant quelques décennies entre le 11ème et le 12ème siècle… avant de plier bagages et de s’installer dans le château de Prague.

Délaissé par les rois et reclus au haut de sa falaise, à quelques petits kilomètres du château de Prague qu’il pouvait admirer de loin, Vyšehrad n’avait pourtant pas dit son dernier mot. Il a en effet réussi à se transformer de nombreuses fois, tel un phœnix qui ne meurt jamais vraiment et, au cours des siècles, le lieu a rempli plusieurs fonctions différentes.

Après avoir vu son rôle de château tomber à l’eau face à la concurrence du grand château de Prague, Vyšehrad n’a pas pour autant perdu tout son pouvoir. Ou pas directement en tout cas. Il est longtemps resté le siège de l’évêque et accueillait à cette époque un groupe de clercs que l’on appelait chanoines.

Il a aussi toujours été important aux yeux de Charles IV, roi de Bohême et personnalité éminente de l’histoire de Prague. Au 14ème siècle, celui-ci y a notamment ajouté des remparts et a édicté une loi qui faisait de Vyšehrad le lieu où les rois de Bohême devaient être couronnés (avant de prendre leurs quartiers dans le château de Prague).

Le château de Vyšehrad a malheureusement été presque entièrement détruit lors des guerres hussites du début du 15ème siècle après avoir été le lieu d’importantes batailles. Ses ruines ont été abandonnées pendant deux siècles par le pouvoir, laissant la liberté à certains de venir y habiter.

Le 17ème siècle a redonné de l’importance à cet endroit jusqu’alors délaissé : on y a bâti une puissante forteresse baroque. La forteresse est restée en service jusqu’à la deuxième moitié du 19ème siècle et, quelques années après sa retraite, Vyšehrad est officiellement devenu l’un des quartiers de Prague. C’était en 1883.

Au cours des siècles qui ont fait son histoire, Vyšehrad a donc été château, siège religieux, ville et forteresse.

Et aujourd’hui ? Aujourd’hui, du château qui a donné son nom au lieu il y a de nombreux siècles, il ne reste presque plus rien. Ses ruines ont été définitivement détruites pour faire place à la forteresse, qui elle-même n’est plus exactement ce qu’elle était.

Mais vous vous en doutez, je ne vous parlerais pas de cet endroit ici s’il ne valait pas le détour.

Malgré la disparition du château qui lui a donné son nom, Vyšehrad abrite encore quelques endroits qui témoignent de son histoire.

La plus ancienne construction que vous y trouverez, c’est la rotonde Saint Martin, qui s’élève près de l’une des entrées du parc. Construit au 11ème siècle, ce petit bâtiment circulaire est non seulement l’une des seules traces encore présentes aujourd’hui pour témoigner du passé médiéval de Vyšehrad, mais c’est aussi la rotonde la plus ancienne de Prague. Elle servait d’église à l’époque où le château était encore debout mais, tout comme le parc qui l’abrite, elle aurait ensuite porté d’autres casquettes, dont celle de poste de police.

À seulement quelques centaines de mètres de là se trouve celle dont les deux tours, visibles de loin, révèlent la présence de Vyšehrad aux yeux de tous : la Basilique Saint-Pierre-et-Paul de Vyšehrad.

L’histoire de cette église remonte à aussi loin que la rotonde mais elle a été transformée, remaniée et reconstruite de nombreuses fois, tant et si bien que son apparence actuelle est très loin de ce qu’elle était à l’époque du château. De cette époque, d’ailleurs, il ne resterait à peu près que ses fondations, cachées par toutes les pierres qui sont venues s’ajouter par-dessus au fil des siècles.

La basilique telle qu’on peut la voir aujourd’hui date majoritairement du 19ème siècle, époque à laquelle elle a été reconstruite après avoir apparemment souffert d’un incendie. À l’exception des deux portes colorées qui s’élèvent de chaque côté de son entrée principale, sa façade est noircie et austère. Ne vous faites pourtant pas avoir par son apparence : elle cache en elle un monde bien moins sévère. Je n’y suis pas entrée mais ses murs intérieurs sont recouverts de grandes fresques Art Nouveau qui ont l’air de valoir le coup d’œil.

 

La basilique est bordée d’un cimetière qu’il serait fou de contourner tant il est joli et différent de tous les autres. Le cimetière de Vyšehrad, c’est un peu comme une œuvre d’art que l’on aurait dressée pour combattre la grisaille qui habite généralement les lieux de ce type. Entouré de galeries à arcades dont les plafonds sont recouverts de fresques colorées, il est rempli d’art et de sculptures.

Le cimetière est unique, à l’image de ses occupants qui n’ont pas été choisis au hasard. Ici, on trouve environ 600 tombes, chacune d’entre elles abritant une personnalité tchèque. Politiciens, artistes, écrivains,… Tout un petit monde qui n’est qu’une preuve de plus de l’importance de Vyšehrad aux yeux des Pragois.

Une autre preuve encore, c’est le Slavín, un monument qui se dresse au sommet de quelques marches sur l’un des côtés du cimetière. Edifié en l’honneur du Génie de la patrie à la fin du 19ème siècle, il est devenu panthéon national.

En vous baladant dans le parc, vous y trouverez aussi d’autres bâtiments ici et là et pourrez admirer ses hauts et épais remparts.

Mais outre tout cela, Vyšehrad est principalement un joli parc où il fait bon se promener et admirer la vue sur la ville (je le comptais d’ailleurs dans l’article dans lequel je présentais les lieux d’où l’on peut avoir une jolie vue sur Prague). Un parc apprécié des Pragois non seulement pour toutes les histoires et les légendes qu’il renferme, mais aussi parce qu’il offre un cadre paisible et agréable, parfait pour profiter de quelques heures loin du brouhaha de la ville et de ses touristes.

Vyšehrad est à seulement quelques kilomètres du pont Charles et du château qui lui a pris sa gloire. Je ne dirais pas que c’est un endroit à voir absolument si vous ne restez que deux jours dans la ville, mais ça reste une très chouette balade si vous avez un peu plus de temps ou si vous avez simplement envie d’aller voir d’autres beautés de Prague loin de la foule.

 

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4 commentaires sur Vyšehrad, une balade au goût de légendes dans le centre de Prague

  1. Je me souviens d’être allée au parc de Vyšehrad mais je n’avais pas du tout visité tout ce qu’il y avait aux alentours! C’est super chouette tes articles bien détaillés sur Prague 🙂

    • Merci beaucoup ! Ton retour me fait super plaisir, d’autant plus que ça me prend chaque fois beaucoup de temps de collecter et recouper toute l’information (mais en même temps je trouve ça super intéressant, j’ai appris beaucoup de choses grâce à mes articles d’ailleurs ahah).
      Tu avais vu le cimetière ? Personnellement c’est ma partie préférée dans le parc :).

  2. Beautiful photos! I love seeing different parts of a city that aren’t as often photographed! I was in Prague a few years back over Christmas but was delayed getting in due to bad weather – therefore my time there was cut short. I’m hoping to make it back again! 🙂

    • Thank you :)! I love it too, the touristic places are often worth seeing but in most cities we can also find a lot of gems that tourists just don’t know about or don’t bother to go see. I also love discovering places that I had never seen before on social media, blogs or any other website :). So sad to hear that you couldn’t enjoy Prague as much as you expected! I wish you to go back there one day (maybe when it’s a bit warmer? :D)!