Mon immeuble

Ça fait maintenant deux semaines que je suis à Barcelone. Déjà.

C’est la troisième fois que je pars vivre pour mes études dans une autre ville que la mienne. Il y a d’abord eu Salamanca en Espagne. Pour un Erasmus de cinq mois, il y a deux ans. Ensuite, il y a eu Leuven en Belgique. Pendant 5 mois aussi, de septembre à janvier de cette année, bien qu’entrecoupés par des allers-retours fréquents dans ma ville (cette habitude qu’ont les étudiants belges de retourner chez eux chaque week-end). Là, c’était pour une option en collaboration avec mon université, semblable à un Erasmus. Et enfin, en ce moment, il y a Barcelona (en Espagne, dois-je vraiment le préciser ?). Pour un stage de trois mois.

C’est la troisième fois, et à chaque fois c’est à peu près le même scénario. Après avoir lutté pour faire rentrer ta maison dans quelques misérables kilos de bagages, t’arrives avec tes valises dans une ville inconnue. Quand t’as enfin un appart’, t’essaies de donner à ta chambre un peu de tes couleurs pour t’y sentir chez toi. Puis tu pars au supermarché acheter toutes ces choses utiles que tu rachètes à chaque fois (parce qu’elles sont utiles mais superflues quand il s’agit de boucler tes valises à la fin de ton séjour, alors tu les abandonnes toujours sur place).
Et une fois que tout ça est fait, tu pars découvrir la ville. Tout t’est inconnu au début, mais durant les premières balades tu as cette impression étrange : tu sais que, bientôt, tu appelleras cet endroit “maison”, tu connaîtras le plan de ton quartier par cœur et tu ne devras plus regarder une carte à chaque coin de rue ou faire des efforts de mémoire énormes pour essayer de ne pas te perdre et paraître un touriste.
Parce que, ce qui rend ces expériences si spéciales, c’est ça : tu n’es pas vraiment un touriste, mais tu n’es pas non plus un local. Tu n’es pas là pour des vacances mais tu sais qu’un jour plus ou moins proche tu retourneras chez toi. T’es juste cette personne dans une nouvelle ville qui n’est pas encore ta maison mais qui va le devenir et puis qui, presque aussitôt, va arrêter de l’être. Parce que tu seras rentré chez toi – le vrai, celui qui t’a vu grandir. Et au final, cette nouvelle ville ne sera plus ta maison, mais tu continueras à y être attaché d’une manière spéciale juste parce que, un jour, le temps d’un moment, elle aura été ton chez toi.

Cette fois-ci, c’est donc la troisième fois et il y a une chose que je sais mieux que jamais : je sais à quel point ça passe vite. A Salamanca, je m’y attendais parce qu’on me l’avait dit, mais j’y croyais à moitié et la fin m’a prise par surprise. A Leuven, je le savais parce que j’avais vécu Salamanca, mais je l’avais peut-être un peu oublié et j’ai été de nouveau prise de court au final. Cette fois-ci … En fait non. Cette fois-ci je serai aussi surprise, prise de cours et tout à fait perdue à la fin. La différence, c’est que cette fois-ci je le sais. Je sais que ça va passer vite et je sais que début juin, à la fin de mon séjour, je me dirai  “je savais que ça allait passer vite, je croyais être prête, mais en fait c’est passé encore plus vite que ce que je croyais”. J’essaie juste de m’y préparer le mieux possible, c’est tout.

 

“Profite de cet instant, il ne durera pas toujours”

Cette fois-ci, ça va même peut-être passer plus vite que les deux autres. D’abord parce que je reste ici moins longtemps qu’à Salamanca et à Leuven, mais aussi et surtout parce que je travaille 5 jours sur 7 (parfois 6, le samedi matin une fois par mois) et il me reste donc peu de temps libre pour découvrir Barcelone et me perdre dans ses rues avant de savoir comment m’y retrouver.
Du coup, j’essaie de profiter au maximum de chaque instant. Chaque matin, en fermant la vieille porte en bois de mon immeuble, qui fait trois fois ma taille et qui s’ouvre encore avec une clé à l’ancienne, et en me dirigeant vers le passage pour piétons pour aller prendre le métro un peu plus loin, je me dis la même chose : “Profite de chaque instant parce que ce que tu vis maintenant, dans quelques mois tu l’appelleras “passé” et tu y repenseras avec nostalgie”. Et, surtout, je sais pertinemment qu’à la fin de mon séjour ici, je n’aurai même pas besoin de fermer les yeux pour voir apparaître devant moi des flash-backs de ces premiers moments ici.

Alors j’essaie de m’ouvrir le plus possible à tout ce qui m’entoure. J’ai toujours aimé passer du temps à observer les gens dans la rue et dans les transports en commun mais ici je le fais plus que d’habitude. J’essaie de voir dans leur regard, leur posture, leur démarche, leur voix et leurs vêtements des indices de leur histoire pour deviner comment ils vivent leur existence barcelonaise. Quand je marche, je lève la tête pour profiter des bâtiments magnifiques que Barcelone offre à ceux qui prennent le temps de ne pas se dire en retard. Parfois j’abandonne mes écouteurs juste pour écouter le son de la rue. Les moteurs des voitures, les cris des enfants, les conseils des parents. Les bruits des pas pressés et de ceux des vacanciers. Le catalan, l’espagnol, et toutes les autres langues qui s’y mêlent. J’essaie de m’imprégner le plus possible de cet environnement, parce que je me connais : je sais qu’en rentrant, je voudrai parfois seulement avoir l’impression d’y être encore. Alors je me crée ma propre base de données dans ma boîte à souvenirs.

Je profite de chaque minute. Ou du moins, j’essaie. Je me réprimande moi-même quand je me surprends à oublier de profiter du présent. Le problème, c’est que c’est tellement facile d’oublier que tout ça ne durera pas et que le temps passe trop vite.

Palmier Plaza Tetuan
Plaza Tetuan – mon arrêt de métro

Je suis donc arrivée ici il y a deux semaines. C’était un dimanche. Ce fameux dimanche 23 février qui a marqué le début d’une nouvelle aventure dans ma vie.

Ce dimanche-là, après m’être levée à 5h pour finir mes valises et être prête pour prendre l’avion de 9h45 à Charleroi, j’ai atterri à 11h40 à Barcelone. Une heure plus tard, je me retrouvais avec mes deux grosses valises devant mon appartement, en payant le chauffeur de taxi qui avait du mal à cacher son inquiétude pour moi (“je ne suis pas sûr qu’il y ait des appartements à louer dans cet immeuble, mademoiselle…”, peu avant de me faire cette poignée de main qui veut dire “bonne chance”). J’ai attendu mon proprio pendant 30 minutes assise sur l’une de mes valises, profitant du soleil et de la chaleur estivale de ce 23 février, tout en pensant à un plan B dans le cas où il ne viendrait pas. Arrivant le dimanche pour commencer mon stage le lundi, j’avais préféré trouver un appartement avant de débarquer à Barcelone, mais je stressais qu’il y ait un problème dans toute ma programmation. Parce que généralement quand on part à l’étranger il y a toujours un problème au début.

Finalement, avec une demi-heure de retard, quand je commençais à me dire que ça faisait beaucoup de retard même pour un Espagnol, mon proprio est arrivé. J’ai donc eu les clés de mon appart, que je partage avec trois autres personnes. Ma chambre est petite et plutôt sombre si on n’allume pas la lumière. Je le savais et je m’en fous mais c’est vrai que depuis mes 9 ans je suis habituée à dormir dans des chambres très lumineuses et surtout plus grandes que la plupart des studios (peut-être est-ce une mauvaise habitude, ceci dit). Mais le salon est top, avec un petit balcon d’où profiter du soleil les jours où j’ai le temps. L’appart est vieillot mais dans un vieux bâtiment qui a un certain charme (c’est lui sur la première photo de l’article), et plutôt bien situé dans la ville, pas trop loin du centre à pied et à deux minutes de deux stations de métro.
Quant à mes cokotteurs, on est deux filles et deux garçons. Et tout se passe très bien. On fait la meilleure chose qu’on peut faire dans un kot ou dans n’importe quelle colocation : on passe du temps ensemble. On vit ensemble sans avoir l’impression de vivre seul.

Le jour d’après, je commençais mon stage. Je stressais énormément mais tout se passe très bien. L’équipe est composée majoritairement de stagiaires venus des quatre coins de l’Europe. Une équipe jeune et internationale, que demander de plus ? Mes tâches varient au cours de la journée et elles varieront au fil du stage aussi, ce qui me convient très bien parce que faire toujours la même chose ça me fatigue. Je fais 10h-18h tous les jours, autant dire que je suis comblée : je commence tard et finit tôt (enfin, dans ma définition du “finir le travail tôt” en tout cas).

Je suis heureuse. Je me sens bien ici, à Barcelone. Je me surprends même souvent à marcher en souriant. Parce que je me rends compte de la chance que j’ai et du bonheur que tout ça m’apporte. Et peu importe ce que pensent les gens en me voyant, moi au moins je prends le temps d’être heureuse. Et je ne désire qu’une chose : que ça ne change jamais. Que je n’arrête jamais de profiter de l’instant présent et de vivre ce que je veux vivre.

J’ai maintenant, de nouveau, un numéro de gsm espagnol (que j’espère pouvoir garder à vie). J’ai aussi un abonnement de métro et des clés d’un appartement à Barcelone. Le temps de quelques mois, je suis Barcelonaise.

Je vous parlerai bientôt plus en détail de Barcelone (et avec plus de photos, excusez l’indulgence mais j’ai vraiment eu peu de temps pour jouer à la touriste), mais aujourd’hui il est temps de m’arrêter…  Je finirai simplement en disant une chose : je vis et travaille dans une ville avec des palmiers. Non mais les gars, des PALMIERS quoi !

Voilà.

Palmier

Bisous à tous et à bientôt.

0 commentaire sur Pourquoi on prend toujours les gens qui sourient seuls dans la rue pour des imbéciles ?

  1. Et voilà Léo, Tu m’as redonné l envie de partir Hihi. Continue à nous partager ces moments de bonheur qu on oublie d apprécier.. <3